Une 3e nuit d'émeutes "moins violente" en Nouvelle-Calédonie, où un deuxième gendarme a été tué accidentellement
Un deuxième gendarme a été tué par un tir accidentel en partant en mission, jeudi en Nouvelle-Calédonie, où l'armée s'est déployée pour tenter d'enrayer les émeutes qui ont plongé ce territoire français du Pacifique sud dans une crise sécuritaire, identitaire et politique, sur fond de révolte contre une réforme électorale controversée.
L'intervention des militaires doit permettre de "sécuriser" les ports et l'aéroport du territoire, désormais sous le régime de l'état d'urgence décrété par le gouvernement mercredi soir.
Le retour à l'ordre est un "préalable à la poursuite du dialogue" et "permettra de garantir l'approvisionnement de l'île en produits essentiels", a affirmé jeudi le Premier ministre Gabriel Attal.
Jeudi matin, un deuxième gendarme a été tué à la suite d'un "tir accidentel", a annoncé à l'AFP le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
Dans un tweet sur X, la gendarmerie a précisé qu'"à l'occasion d'un départ en mission, alors qu'une unité configurait un véhicule blindé sur la caserne de Bailly en #NouvelleCalédonie, un gendarme mobile a trouvé la mort, touché par un tir accidentel, déclenché dans des circonstances encore à préciser".
Un premier gendarme avait été tué mercredi, touché par une balle à la tête.
La nuit de mercredi à jeudi a "été moins violente" que les deux précédentes, a estimé le représentant de l'Etat dans l'archipel, Louis Le Franc.
Dans l'agglomération de Nouméa, les riverains ont commencé à organiser la défense de leurs quartiers et érigé des barricades de fortune faites de palettes de bois, bidons et autres brouettes, sur lesquelles ils ont planté des drapeaux blancs, a constaté un correspondant de l'AFP.
Cette organisation "est mafieuse, violente, commet des pillages, des meurtres" et n'est "pas politique", a accusé M. Darmanin, interrogé sur France 2. Le ministre a par ailleurs dénoncé l'ingérence de l'Azerbaïdjan où plusieurs leaders indépendantistes calédoniens se sont déplacés ces derniers mois.
Bakou a cependant réfuté toute ingérence, jugeant les accusations de Paris "infondées".
Gabriel Attal a également annoncé l'interdiction du réseau social Tik Tok, utilisé par les émeutiers.
- "Pas entendus" -
Le bâtiment du Sénat coutumier, à Nouméa, a été incendié, selon son service de communication, sans que l'ampleur des dégâts soit immédiatement connue.
Symbole de cette nouvelle flambée de violence, le quartier pauvre d'Auteuil était très endommagé jeudi, a constaté un correspondant de l'AFP: supermarché incendié, commerces et restaurants brûlés et pillés.
"Nous venons ramasser ce qu'il y a dans les magasins pour manger (...) On a besoin de lait pour les enfants. Je ne considère pas que ce soit du pillage", a affirmé à l'AFP une habitante qui a requis l'anonymat.
La violence, "on est obligé de passer par là, de tout péter parce qu'on n'est pas entendus", a assumé un jeune émeutier vivant dans la commune de Houaïlou (côte Est), qui a également refusé d'être nommé.
C'est essentiellement l'agglomération de Nouméa qui a été la proie des violences. Ailleurs sur le territoire, la situation, bien que tendue, est plus calme, même si l'opérateur minier SLN (Société Le Nickel) a annoncé qu'un "incendie s'est déclaré" sur son site de Kouaoua (côte est) après une intrusion.
A Paris, le président français Emmanuel Macron a renoncé jeudi à un déplacement prévu à Flamanville (Manche) afin de présider une "réunion de suivi" sur la situation en Nouvelle-Calédonie. Il a proposé aux élus calédoniens d'avoir "un échange par visioconférence" à son issue.
Daniel Goa, le président du parti indépendantiste Union calédonienne (UC), a estimé que les émeutiers, sans être extrêmement nombreux, étaient très mobiles. "Ils font des barrages dans un quartier et ensuite se déplacent et en font ailleurs", a-t-il expliqué sur RFI, provoquant "l'éparpillement des gendarmes".
"Ils vivent avec le sentiment d'être exclus, la colère, l'échec et ils n'attendent qu'une occasion", a-t-il ajouté, les jugeant "sans conscience politique".
Dans un communiqué publié mercredi, les chefs du CCAT ont argué que "les exactions commises (...) n'étaient pas nécessaires", mais étaient "l'expression des invisibles de la société qui subissent les inégalités de plein fouet et sont marginalisés au quotidien".
Elle a fait jusque là cinq morts. Outre les deux gendarmes, deux hommes de 20 et 36 ans ainsi qu'une adolescente de 17 ans ont été tués, ont détaillé les autorités.
Gérald Darmanin a précisé sur France 2 que la personne qui est "responsable de deux morts kanak" a été arrêtée.
- Pont aérien -
En métropole, les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres.
Ce texte devra encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient avant.
Le texte voté vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, enjeu crucial dans l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral et marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak".
Côté population, faute d'approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires continuent de provoquer de très longues files d'attente devant les magasins.
Jeudi, les autorités ont annoncé un "pont aérien" entre l'Hexagone et le territoire calédonien, où l'aéroport international reste fermé. Le haut-commissaire a également évoqué la mise en place de convois sécurisés pour approvisionner les points de distribution alimentaire.
"Si la situation ne (revient) pas rapidement à la normale, les établissements vont être confrontés (...) à une pénurie de médicaments", a également alerté la fédération des établissements d'accueil des personnes âgées.
D'importants effectifs de policiers et de gendarmes, dont des éléments de leurs deux groupes d'élite, le GIGN et le RAID, sont mobilisés.
O. Karlsson--BTZ