Près de Cognac, la filière verre pose la première brique de sa stratégie de décarbonation
En moins de 15 secondes, des gouttes de verre en fusion rougeoyantes sont moulées puis soufflées en bouteilles translucides d'une prestigieuse marque de spiritueux: le groupe verrier Verallia éprouve un nouveau four 100% électrique, une première mondiale et un pas majeur vers la décarbonation de la filière.
Cette nouvelle unité de production, mise en marche au printemps mais inaugurée mardi dans son usine de Châteaubernard, en périphérie de Cognac, permet de réduire de 60% les émissions de CO2, par rapport à un four traditionnel. Car jusqu'ici, la filière de l'emballage en verre alimentaire consommait uniquement du gaz et du fioul pour produire bouteilles et autres pots en verre.
"Il y a eu la révolution du verre lorsqu'on est passé du bois aux énergies fossiles. Avec ce four 100% électrique, on fait rentrer l'industrie du verre dans le XXIe siècle", assure Pierre-Henri Desportes, directeur général de Verallia France.
Seuls existaient jusqu'ici des fours électriques de moindre capacité pour produire notamment des flacons de parfum, assure le cadre du groupe leader en Europe et troisième producteur mondial du secteur.
D'un montant de 57 millions d'euros, soit deux fois plus cher qu'un four traditionnel, cet investissement d'une capacité de 180.000 tonnes de verre par an permet de produire 300.000 bouteilles par jour, en verre blanc.
Contrairement à un four traditionnel où la fusion du verre se fait de manière horizontale, ce four pilote utilise un procédé vertical lors duquel les matières premières - sable, calcaire et calcin (verre recyclé) - forment à 1.400 degrés une croûte de verre avant qu'une fusion ne s'opère grâce à des électrodes immergées.
- Pertes énergétiques réduites -
Ce four 100% électrique permet aussi de diminuer les pertes énergétiques, de 25% à 5%, selon les dirigeants du groupe.
Il a été conçu en collaboration avec plusieurs clients de Verallia - Rémy Cointreau, Hennessy et Martell&Co (Pernod Ricard) - engagés eux aussi dans une stratégie de décarbonation. Car l'emballage du vin, de la bière et des spiritueux pèse 30 à 40% de l'empreinte environnementale d'un verre d'alcool, selon l'Agence de la transition écologique (Ademe).
Le deuxième four de l'usine, éteint fin décembre en raison de la chute des expéditions mondiales de cognac (-22% en 2023), va être converti en production uniquement au gaz avant une potentielle reconversion à l'électrique d'ici 2028.
"On veut apprendre du premier four pour en faire un autre moins cher maintenant que l'on maîtrise la technologie et en fonction de l'évolution de conjoncture du Cognaçais", indique Pierre-Henri Desportes, "confiant" quant à l'avenir du secteur malgré la hausse du prix de l'énergie.
Verallia va également installer deux fours hybrides (80% électricité et 20% gaz) à Saint-Romain-le-Puy (Loire) et Saragosse (Espagne), dans le cadre de sa stratégie de conversion de l'ensemble de ses fours à une énergie bas carbone à l'horizon 2040.
"La technologie sera choisie selon la fonction du four, le four électrique ne pouvant produire du verre de teinte verte ou feuille morte, utilisé par d'autres vignobles", ajoute Romain Barral, directeur des opérations sur l'usine de Cognac.
La conversion de ses fours est l'un des principaux leviers de la stratégie de décarbonation de Verallia, qui vise une réduction de ses émissions de CO2 de 46% en 2030 par rapport à 2019 sur ses propres opérations, selon son rapport RSE 2023.
Le groupe compte aussi s'appuyer sur le développement du recyclage du verre et à l'utilisation croissante d'énergies renouvelables et bas carbone.
Installé dans 12 pays, Verallia possède 34 usines de production verrière, cinq usines de décor et 19 centres de traitement du calcin.
L. Andersson--BTZ