Le Portugal en grève contre une réforme du code du travail
Le Portugal tourne au ralenti jeudi, avec d'importantes perturbations attendues dans les transports en commun, les écoles et les hôpitaux en raison d'une grève générale, la première en 12 ans, contre une réforme du code du travail défendue par le gouvernement de droite.
Au lever du jour, une des gares ferroviaires de Lisbonne était quasiment déserte, alors que les tableaux d'affichage annonçaient l'annulation de la plupart des trains, a constaté un journaliste de l'AFP.
Si les chemins de fer et les ferries qui traversent le Tage devaient assurer un service minimum, les stations du métro de la capitale étaient fermées.
D'après des données compilées par la principale confédération syndicale, la CGTP, de nombreux services de collecte de déchets étaient à l'arrêt, de même que plusieurs unités hospitalières assurant des soins non urgents.
Il s'agit du plus important mouvement social depuis 2013, à une époque où le pays ibérique vivait sous perfusion de l'Union européenne et du Fonds monétaire international et avait été soumis à une sévère cure d'austérité budgétaire, assortie de la dernière révision en profondeur de la réglementation du travail.
L'objectif de l'actuel gouvernement est de "stimuler la croissance économique pour créer plus d'emplois et payer de meilleurs salaires", a déclaré le Premier ministre Luis Montenegro en défendant cet avant-projet de réforme comprenant plus d'une centaine de mesures.
- "Normaliser la précarité" -
Concrètement, l'exécutif souhaite allonger la durée des contrats temporaires, permettre aux entreprises d'embaucher des sous-traitants après un plan de licenciements ou encore augmenter le service minimum à assurer en cas de grève.
Pour la CGTP, qui organisera une vingtaine de manifestations à travers le pays, ces dispositions représentent "une des plus grandes attaques faites au monde du travail", a déclaré à l'AFP son secrétaire général Tiago Oliveira, en dénonçant une volonté de "normaliser la précarité", "déréguler les horaires de travail" et "faciliter les licenciements".
Le mouvement de grève lancé avec l'autre confédération syndicale, l'UGT, historiquement plus modérée, devrait avoir un impact "plus visible" dans les secteurs des transports et des services publics, des écoles aux hôpitaux en passant par les tribunaux et l'administration fiscale, a précisé M. Oliveira.
De nombreux syndicats du secteur privé ont également rejoint le mouvement et le transport aérien devrait connaître d'importantes perturbations. La compagnie nationale TAP Air Portugal prévoit de réaliser un tiers seulement des quelque 250 vols prévus en temps normal.
- "Corriger un déséquilibre" -
"Nous aurons sans aucun doute une grande grève générale", a assuré le dirigeant de la CGTP, selon lequel le mouvement serait "déjà un succès" en attirant l'attention de l'opinion publique sur ce projet de réforme du code du travail, alors que le pays se trouve en pleine pré-campagne pour l'élection présidentielle prévue début 2026.
D'après un sondage publié mercredi par la presse locale, 61% des personnes interrogées se sont dites favorables à la grève.
Le président de la principale confédération patronale, Armindo Monteiro, a quant à lui dénoncé la "position radicale" des syndicats et qualifié cette grève de "prématurée".
L'avant-projet du gouvernement est "une base de discussion" qui vient "corriger un déséquilibre" provoqué par l'adoption en 2023, par le précédent gouvernement de gauche, d'une série d’amendements au code du travail plus favorables aux salariés, a-t-il précisé à l'AFP.
Bien que le gouvernement ne dispose pas de majorité absolue au Parlement, il devrait pouvoir adopter cette série de mesures avec le soutien des libéraux et, surtout, de l'extrême droite, devenue la deuxième force politique du pays.
Alors que le Portugal affiche une croissance économique autour de 2% et un taux de chômage historiquement bas (environ 6%), M. Montenegro a fait valoir que le pays devait profiter de cette conjoncture favorable pour mener cette réforme.
K. Petersen--BTZ