L'empire Springer se recentre sur les médias et mise sur l'IA
L'empire allemand des médias Axel Springer va se recentrer sur son activité principale dans la presse, en misant sur l'intelligence artificielle, et se séparer pour cela de la majeure partie de sa lucrative division petites annonces.
C'est le retour à une structure plus "familiale" pour l'un des principaux éditeurs de presse européens : Mathias Döpfner, le PDG du groupe, et Friede Springer, veuve et héritière du magnat Axel Springer, ont annoncé jeudi céder les activités de marketing numérique pour garder les rênes de la partie médias.
Objectif: mettre l'accent sur le développement de titres de presse, comme les fleurons Bild Zeitung et Politico, à l'aide des développements fulgurants de l'intelligence artificielle.
Les activités de petites annonces, qui comprennent des sites florissants dans le secteur de l'immobilier comme Meilleurs Agents et Seloger en France ou Immowelt en Allemagne, vont devenir des entreprises indépendantes reprises par deux actionnaires majoritaires, l'américain KKR et le canadien CPP.
Ces derniers sont déjà partenaires financiers stratégiques du groupe Springer depuis cinq ans.
"Pourquoi attendre ? Honnêtement, nous avons tant de projets pour le secteur des médias", déclare Mathias Döpfner, dans un podcast destiné aux 17.000 salariés de l'entreprise.
"L'intelligence artificielle évolue extrêmement rapidement. Les opportunités et les défis sont évidents", déclare l'influent dirigeant, patron de Springer depuis une vingtaine d'années et actuellement troisième actionnaire avec près de 22% des parts.
- Accord avec OpenAI -
"Je sais que beaucoup de gens sont d'un avis différent", pensant que "les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle (...) détruiront" le journalisme, explique le milliardaire.
Il estime au contraire que face au "mélange de rumeurs et de faits, d'enquêtes et de propagande, de désinformation et de fausses nouvelles", l'IA peut jouer un rôle pour renforcer la confiance dans l'information.
Springer avait annoncé dés 2023 vouloir miser sur l'IA pour la production de contenus journalistiques.
"La création journalistique (avec les reportages, scoops et éditoriaux) devient le cœur" de métier tandis que la +production+ journalistique va devenir un +sous-produit+", écrivait-il alors.
Pour l'heure, ce virage a plutôt été associé à des réductions d'effectifs, avec un plan annoncé à la même époque pour supprimer 200 postes et fermer un tiers des éditions régionales de Bild en Allemagne.
Springer voit aussi dans l'intelligence artificielle une source de recettes, via la rémunération de contenus mis à disposition des leaders du secteur.
Il a ainsi signé un partenariat avec OpenAI, le créateur de ChatGPT, qui paiera pour utiliser des contenus d'Axel Springer en réponse aux questions des utilisateurs, puis un autre partenariat semblable avec l'éditeur de logiciels Microsoft.
Des accords "cruciaux pour préserver et promouvoir un journalisme indépendant", avait alors argué M.Döpfner, sans en dévoiler le montant.
- Influence -
La transaction avec KKR et CCP, dont le montant n'a pas été divulgué, devrait être conclue au deuxième trimestre 2025, sous réserve des approbations réglementaires nécessaires.
Elle valoriserait Axel Springer à 13,5 milliards d'euros, dont plus de 10 milliards pour l'activité petites annonces, selon le Financial Times, le premier à évoquer ce projet dès cet été.
M. Döpfner et Mme Springer, âgée de 82 ans, vont conserver une minorité des parts dans les activités cédées qui incluent aussi le site d'annonces d'emplois Stepstone.
L'entreprise Springer recentrée sur la presse n'aura pas de dette et pourra agir indépendamment des soubresauts sur les marchés de capitaux.
En 2020, le fonds américain KKR avait acquis 47,6% du groupe allemand avant son retrait de la Bourse, puis il a cédé une partie de ses parts au canadien CPP, qui détient désormais 12,6% du groupe.
Fondée par l'homme d'affaires Axel Springer en 1946, Springer est le groupe de presse le plus influent d'Allemagne à travers le tabloïd Bild, le plus lu du pays avec un tirage d'un peu moins d'un million d'exemplaires, ou le quotidien conservateur Die Welt.
Le groupe a cherché à étendre son influence aux États-Unis à travers le rachat en 2021 du site d'informations Politico, dont il a développé des éditions européennes.
A. Williams--BTZ